Nous avons récemment eu l’occasion d’échanger avec Az, un DJ et résident de longue date à Koh Phangan, qui partage son temps entre l’île thaïlandaise et la Russie. Fort de ses quinze années d’expérience sur place, il a souhaité apporter son éclairage sur un sujet brûlant qui agite la communauté des expatriés et des locaux : l’impact de la présence massive des Israéliens sur l’île.
Az, qui réside six à sept mois par an à Koh Phangan, témoigne d’une transformation radicale du paysage local, motivée par un sens aigu du business et, malheureusement, accompagnée d’un nombre croissant d’incivilités.
L’ère post-covid et la ruée vers l’immobilier
Historiquement, Koh Phangan a toujours été une destination populaire pour les Israéliens venant se reposer après leur service militaire, souvent financé par une solde reçue après leur engagement. Cependant, la dynamique a changé après l’arrivée de la Covid-19.
Avant la pandémie, la Thaïlande vivait des années florissantes grâce à un tourisme massif, notamment chinois, permettant aux locaux d’investir à crédit. Lorsque la crise sanitaire a coupé les revenus, beaucoup de Thaïlandais se sont retrouvés dans l’obligation de céder des terrains. Selon Az, les Israéliens ont rapidement saisi l’opportunité.
Étant donné qu’un étranger ne peut légalement acheter de terrain en Thaïlande, ces acquisitions se font souvent par des montages complexes impliquant la création d’une entreprise avec un prête-nom thaïlandais. Cette zone grise a permis l’achat de vastes parcelles. Dès que le tourisme a repris, ces nouveaux propriétaires ont commencé à construire de manière effrénée, rasant des forêts de cocotiers pour exploiter les 70 % de droits de construction autorisés sur chaque parcelle de 1 600 m².
Ces nouvelles constructions, souvent qualifiées de peu esthétiques, donnent lieu à des lotissements que Az compare à des « kibboutz ».
La concentration communautaire et l’exclusion
La majorité des activités et des constructions israéliennes se sont concentrées dans le village de Stitanou. Autrefois connu comme un lieu de retraite spirituelle, de yoga et de bien-être, attirant une clientèle prête à payer des prix élevés, Stitanou a été radicalement transformé.
L’ambiance est devenue si dense que Az affirme qu’on se croirait à Tel Aviv. Il décrit des scènes où des groupes de quinze à vingt personnes marchent en bande au milieu de la route. La communauté est extrêmement visible, les hommes portant la kippa et les habits traditionnels.
Un élément marquant de cette communautarisation est l’apparition d’enseignes écrites uniquement en hébreu, rendant difficile pour un Thaïlandais, un Anglophone ou un Français de savoir ce que propose le commerce. Ces pratiques semblent volontairement orientées vers une clientèle interne, excluant les autres. Pour marquer cette présence durable, une synagogue a même été construite à Koh Phangan, avec un garde armé posté à l’entrée.
De plus, il est rapporté que le gouvernement israélien financerait une unité SWAT locale spécifiquement pour assurer la protection de ses ressortissants sur l’île.
Des incivilités aux conséquences dramatiques
Les tensions sont exacerbées par des problèmes de comportement. L’arrogance et le mépris sont souvent cités comme les principales plaintes.
Az a personnellement été témoin de violences. Il raconte un incident survenu à Bamboo Hut, un lieu de fête décontracté, où un Israélien s’est montré insistant envers des femmes. Lorsqu’un Anglais résident est intervenu pour demander au fauteur de trouble de se calmer, l’Israélien a immédiatement brisé une bouteille sur le bar et a tranché la gorge de l’Anglais, causant une blessure grave. Bien que l’agresseur ait été appréhendé, il aurait simplement payé une amende pour pouvoir quitter le territoire tranquillement. En Thaïlande, l’argent parle.
Au-delà de la violence, de nombreux propriétaires, y compris Az qui gère des locations de villas, refusent désormais de louer à des Israéliens. Les raisons sont multiples : plaintes constantes, manque de propreté, tapage nocturne, et surtout, dégradations matérielles.
Un ami d’Az en a fait l’amère expérience. Après avoir loué sa luxueuse villa, il a découvert que les locataires avaient brisé une statue de Bouddha qui se trouvait au fond de la piscine et avaient jeté les morceaux à la poubelle sans le signaler. Manquer de respect à Bouddha ou au roi est un acte extrêmement grave en Thaïlande. L’ami, marié à une Thaïlandaise, a dû faire appel aux autorités. Les locataires ont été déportés et ont dû payer de lourdes amendes pour l’offense.
La nécessité du respect : le contraste russe
Az, qui connaît bien la Russie, établit un contraste entre la communauté israélienne et la communauté russe présente à Koh Phangan (qui a d’ailleurs construit une église orthodoxe sur l’île).
En Russie, bien que l’on puisse trouver des personnalités « bourrues », le respect des règles et de l’ordre est fondamental, et les contrevenants sont rapidement remis à leur place. Les communautés, y compris la communauté juive locale, sont bien intégrées et se comportent bien.
En Thaïlande, les Russes qui louent des villas sont considérés comme respectueux : ils consomment, paient, et ne laissent pas les lieux dégradés. Leur attitude, bien que parfois froide, n’est pas irrespectueuse envers les locaux, contrairement à l’attitude agressive et méprisante qui dérange profondément les Thaïlandais, pour qui la notion de respect et de ne pas « faire perdre la face » est capitale.
Az conclut en soulignant que, si les tensions ont été fortes, la police a récemment procédé à un « grand nettoyage » sur l’île, ramenant le calme. Il invite finalement les voyageurs à se rendre à Koh Phangan pour se forger leur propre opinion, faisant confiance à leur jugement plutôt qu’aux rumeurs, un conseil qu’il étend à toute destination, y compris la Russie.
Pas encore de commentaires.