Piégés à Gaza : le témoignage alarmant d’une humanitaire de MSF

De retour de quatre semaines à Gaza en tant que coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières (MSF), Marie-Élisabeth Ingres livre un témoignage poignant sur une situation humanitaire qui dépasse l’entendement. « Le monde est en train de regarder la mort de ce peuple et en fait, on ne fait rien », lance-t-elle, décrivant une réalité que les mots peinent à retranscrire.

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Un paysage de destruction et de survie

Pour quiconque connaissait Gaza auparavant, le territoire est aujourd’hui méconnaissable. Les repères ont disparu, particulièrement dans le nord où des kilomètres de ruines s’étendent à l’infini. Deux millions de personnes sont désormais entassées dans une zone extrêmement réduite, la plupart vivant sous des tentes. L’image la plus marquante est peut-être celle de cette « mer de tentes » à perte de vue dans le sud, où les conditions de vie sont revenues à un état des plus rudimentaires.

L’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins est devenu un combat quotidien et souvent mortel. Les latrines sont quasi inexistantes. Ce sont des enfants, « pas plus haut que trois pommes », qui sont chargés de transporter de lourds jerricans d’eau. La faim tenaille la population, qui ne mange souvent qu’un repas par jour, entraînant une anémie généralisée et une fragilité croissante face aux maladies.

La loi du plus fort au cœur de la crise

Marie-Élisabeth Ingres dénonce une situation inédite dans sa carrière d’humanitaire : des distributions alimentaires sont devenues mortelles. Face à l’absence de règles, c’est la « loi du plus fort » qui prévaut. Les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées n’ont quasiment aucune chance d’accéder à la nourriture, laissant les plus vulnérables sans ressources.

Cette violence s’ajoute aux bombardements quotidiens. Même lorsqu’une cible est visée, des dizaines de personnes non impliquées sont souvent tuées dans l’attaque, qu’elles se trouvent dans une maison, un appartement ou une tente.

Une prison à ciel ouvert, un peuple pris au piège

Si Gaza était déjà décrite comme une prison avant le conflit, avec de sévères restrictions sur les approvisionnements et les évacuations médicales, la situation est aujourd’hui infiniment pire. Les habitants sont complètement pris au piège, sans aucune possibilité de sortir ou de se mettre à l’abri.

Le désespoir et la fatigue sont palpables. Les parents s’inquiètent profondément pour l’avenir de leurs enfants, qui ne vont plus à l’école et errent dans les rues. Toute une génération est sacrifiée. La vie culturelle, les chants, les danses, tout ce qui constituait la mémoire et l’histoire de ce peuple, a été anéanti. Les Gazaouis sont en « mode survie », leur existence réduite à la quête d’un abri précaire, d’un peu de nourriture et d’eau. Il n’y a plus d’espace pour penser, ni même pour vivre.

Un appel à la responsabilité collective

Les organisations humanitaires, malgré la solidarité sur le terrain, sont entravées. Les autorisations d’approvisionnement en aide et en carburant sont délivrées « au compte-goutte » par les autorités israéliennes, rendant toute planification impossible.

Le travail sur le terrain repose sur près de 1000 employés locaux de MSF, eux-mêmes victimes du conflit. Déplacés à de multiples reprises, endeuillés par la perte hebdomadaire de proches, ils continuent pourtant de travailler avec un courage admirable. Malgré tout, ils s’accrochent à l’espoir d’un cessez-le-feu, persuadés que le monde finira par se réveiller.

Face à cette catastrophe, Marie-Élisabeth Ingres appelle les États, notamment la Suisse en tant que dépositaire du droit international humanitaire, à être plus vocaux. Le rôle de MSF est de témoigner, surtout en l’absence de journalistes étrangers, pour que cette parole soit entendue. Elle conclut sur un avertissement puissant : nous portons tous une responsabilité collective et ne pouvons nous résigner à l’impuissance. Rester silencieux, c’est se rendre complice.

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