Le drame de Gaza et l’échec de la diplomatie : une prise de conscience urgente
Lors d’un récent débat à « La Fabrique de la Diplomatie », une plateforme réputée pour ses analyses pointues, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères français, a livré une analyse cinglante de la situation à Gaza. Aux côtés d’Agnès Levalois, connue pour sa position ferme envers Israël, et de l’ambassadrice de Palestine en France, Ala Abou Asira, Villepin a dénoncé avec force une propagande et une « armée génocidaire », des mots rarement entendus dans les médias traditionnels.
Selon Dominique de Villepin, la diplomatie mondiale est en « faillite » sur deux points essentiels : la capacité à « nommer le réel » et la responsabilité de « protéger ». Il souligne l’incapacité des États, qu’ils soient de la région, européens, ou les grandes puissances comme les États-Unis, à apporter une réponse humanitaire à la tragédie qui se déroule à Gaza.
L’horreur à Gaza : des chiffres terrifiants et une exception historique
Un chiffre glaçant du Guardian, confirmé par le renseignement militaire israélien, révèle que 83% des victimes à Gaza sont des civils, majoritairement des femmes et des enfants. Villepin met en lumière le caractère exceptionnel de cette guerre, la comparant à d’autres conflits comme celui du Soudan, où ce pourcentage est de 23%. Il décrit la situation à Gaza comme la « somme de tous les superlatifs » : horreur, puissance inédite d’Israël dans la région (la plus grande depuis l’Empire Ottoman après 1836), soutien américain massif, mais aussi une « impuissance » ressentie par les individus, les diplomates, l’Europe et les États arabes.
Tout en condamnant les actes terroristes du 7 octobre, les viols et la barbarie, il pointe une « vengeance hubris » qui a conduit à plus de 60 000 morts. Il trace un parallèle historique entre la mémoire juive (pogroms, Shoah) et la « grande catastrophe » de la Nakba, soulignant une « injustice » persistante : la création d’un État pour un peuple, mais en laissant un autre peuple sans terre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour lui, un nouvel ordre mondial ne pourra émerger qu’à travers la justice pour les Palestiniens, commençant par la reconnaissance d’un État palestinien.
Les dangers de l’inaction et les voies de l’espoir
Dominique de Villepin alerte sur les « dangers » de la situation actuelle, la décrivant comme la « veille de nouvelles catastrophes » : la résurgence du terrorisme, l’extension de la guerre à la Cisjordanie, au Liban, à la Syrie, et le risque de prolifération nucléaire. Il tire une leçon amère des récents conflits : « si vous avez la bombe, il ne vous arrive rien, tandis que si vous ne l’avez pas, le pire est à tout moment possible. »
Face à cette impuissance, il voit l’espoir jaillir des « peuples » qui s’interrogent et ouvrent les yeux, constatant l’absence de « motif » ou d' »objectif politique » clair pour la guerre à Gaza. Il évoque également un réveil potentiel en Europe, obligée de concilier ses valeurs et ses actes, et aux États-Unis. Mais le plus grand motif d’espoir, selon lui, réside dans la « démocratie israélienne » elle-même. Il croit que le peuple israélien, après le traumatisme du 7 octobre, peut ouvrir les yeux sur la tragédie de Gaza, reconnaissant ainsi sa responsabilité d’État parmi d’autres, avec des devoirs envers ses voisins et une humanité à partager. Il fait référence aux suicides de soldats, à la mobilisation d’anciens chefs d’état-major et d’intellectuels israéliens comme signes de cette prise de conscience.
L’appel pressant à l’action d’Ala Abou Asira : un génocide en cours et l’exigence de sanctions
L’ambassadrice de Palestine en France, Ala Abou Asira, a renchéri, qualifiant ce qui se passe à Gaza de « génocide perpétré » et « presque achevé » par une politique de « nettoyage ethnique » volontaire et assumée par Israël. Elle étend cette accusation à la Cisjordanie, où la destruction massive des infrastructures et le « terrorisme des colons israéliens » sont protégés par l’armée.
Elle affirme qu’Israël refuse l’existence d’un État et d’un peuple palestinien, citant la loi de 2018 sur l’État-nation qui assure la « suprématie du peuple juif » et n’accorde le droit à l’autodétermination qu’à ce dernier, ainsi que de récentes résolutions de la Knesset contre la création d’un État palestinien.
Face à cette réalité, l’ambassadrice rejette l’idée de « recommencer de zéro » les négociations et appelle la communauté internationale à assumer ses responsabilités. Elle rappelle l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui a jugé l’occupation et la colonisation israéliennes « illégales », invitant les États à ne plus les maintenir.
Elle demande des « sanctions » immédiates et concrètes, incluant un embargo total sur la vente d’armes à Israël – armes utilisées pour massacrer des civils – et une rupture des relations diplomatiques, commerciales et économiques. Elle évoque le « modèle sud-africain » où les sanctions ont mis fin à l’apartheid, et critique l’inaction de l’Union Européenne, qui a imposé 19 paquets de sanctions à la Russie mais zéro à Israël. Elle réclame l’arrêt de l’accord d’association entre Israël et l’UE, ainsi que le financement de la colonisation.
Un cessez-le-feu immédiat et un plan concret pour l’avenir
La priorité absolue est un cessez-le-feu immédiat à Gaza et l’entrée massive de l’aide humanitaire, alors que la population risque l’expulsion et le nettoyage ethnique. L’ambassadrice salue les efforts de l’Égypte pour la reconstruction de Gaza et rejette tout mandat politique ou militaire imposé aux Palestiniens.
Elle insiste sur la nécessité de renforcer le gouvernement et l’Autorité Palestinienne, engagés dans la construction d’institutions étatiques solides. Elle attend un « plan concret » pour le 22 septembre, non pas de nouvelles déclarations, mais des « actions irréversibles » pour mettre fin à l’occupation israélienne, qui est la « base du problème ». La reconnaissance de l’État palestinien est un outil essentiel, mais elle doit être accompagnée de « sanctions concrètes et un calendrier spécifique » pour être efficace.
En somme, les intervenants rappellent que le peuple palestinien a droit à la vie, à la dignité et à la liberté, des droits qui ne sont pas négociables. L’alternative à une solution à deux États est un « État d’apartheid » ou un « régime d’oppression et de ségrégation raciale ». La communauté internationale est appelée à un sursaut de conscience et d’action pour une paix durable et juste.
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