Une dissonance alarmante : les exportations d’armes canadiennes au cœur des débats
Le Canada s’était engagé à suspendre ses exportations d’armes vers Israël, une mesure annoncée à l’automne 2023 et censée prendre effet en janvier 2024. Pourtant, un rapport récent, fruit du travail d’un regroupement d’ONG, révèle une tout autre réalité. Des munitions, des pièces de drones et d’avions de chasse, ainsi que des composants électroniques d’origine canadienne, continueraient d’alimenter l’armée israélienne. Ce document détaillé d’une soixantaine de pages met en lumière 47 envois effectués entre octobre 2023 et le 18 juillet dernier, malgré les engagements pris. Bien que le gouvernement affirme n’avoir émis aucun nouveau permis d’exportation depuis janvier 2024, la persistance de ces livraisons pose de sérieuses questions sur la position canadienne et le respect de ses propres engagements, surtout quand on sait que ces livraisons nécessitent des permis.
Le témoignage du terrain : l’horreur quotidienne à gaza
Jean-François Lépine, journaliste spécialisé en affaires internationales et cofondateur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a pu constater de ses propres yeux l’ampleur de la dévastation lors d’un séjour en avril dernier. Il décrit une expérience poignante le long de la frontière de la bande de Gaza, où des obus ou missiles étaient tirés « toutes les minutes » sur le territoire. À ce moment-là, 80 % des infrastructures de Gaza étaient déjà détruites. Une telle intensité de bombardements rend les « frappes chirurgicales » impossibles, menant inévitablement à des atteintes aux civils et à la destruction non intentionnelle d’infrastructures essentielles. Le conflit actuel, qualifié de plus long que jamais Israël n’a mené, est marqué par une situation « extrêmement catastrophique » pour les 2,4 millions d’habitants de Gaza.
L’échec du droit international et l’inaction canadienne
La situation humanitaire à Gaza est d’une gravité sans précédent. Un État démocratique est accusé d’organiser systématiquement une famine à l’échelle de 2,4 millions d’habitants. De plus, deux ONG israéliennes ont publié un rapport faisant état d’une « intention de génocide ». Ce châtiment collectif, où des millions d’individus sont piégés dans un territoire, ne pouvant fuir les combats ni la violence, et victimes d’un blocus depuis mars dernier, est une atteinte grave et inacceptable au droit et aux lois internationales.
Historiquement, le Canada a souvent joué un rôle de leadership en matière de défense des droits de la personne sur la scène internationale, comme en témoigne son rôle « agressif » dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud et la libération de Nelson Mandela. Cependant, une certaine « timidité » semble marquer sa posture actuelle. Les traditions canadiennes de défense des droits à l’échelle internationale se sont considérablement atténuées au fil des années. Face à l’inertie du Canada, des questions cruciales se posent : pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’Irlande, de l’Espagne ou de la Norvège qui, en 2024, ont officiellement reconnu un éventuel État palestinien pour faire pression sur Israël ? La France y songe, l’Angleterre aussi. Le maintien des livraisons d’armes à Israël, malgré le contexte, interroge la cohérence de la politique étrangère canadienne.
Il est impératif pour le Canada de renouer avec une politique étrangère ferme et autonome, capable de défendre concrètement les droits internationaux et humanitaires. C’est non seulement une question de crédibilité sur la scène mondiale, mais aussi de fidélité à ses propres valeurs.
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