Les médecins homéopathes sont-ils des charlatans ?

Les médecins homéopathes sont-ils des charlatans ?
par Jean-Luc Martin-Lagardette

Oui, si l´on en croit l’Ordre médical français, après la condamnation – confirmée au niveau européen – de Martine Gardénal, présidente de la Société des médecins homéopathes. Motifs : recourt à des pratiques « non conformes aux données acquises de la science » (l´homéopathie) et refuse de dénoncer des patients qui se détournent librement de la médecine allopathique.


Cliquer sur l´image pour voir l´interview de Martine Gardénal.

La Cour européenne des droits de l’homme vient de débouter, en date du 9 décembre 2010, le Dr Martine Gardénal, médecin non conventionné, en déclarant définitivement « irrecevable » sa requête, sans motiver sa décision. Le Dr Gardénal avait effectivement demandé à cette instance de se déclarer sur sa condamnation pour « charlatanisme » par le Conseil de l’Ordre français des médecins (COM) à la suite d’une plainte de la Sécurité sociale. Condamnation qui avait été confirmée en Conseil d’Etat.

C’est une affaire étonnante, puisque jamais les patients de Martine Gardénal ne se sont plaints de quelconque manière. Et l’accusation ne fait pas suite à des erreurs ni à des malversations qui auraient provoqué des préjudices à quiconque, encore moins des morts, comme dans l’affaire du Médiator.

Non, l’attaque est venue en 2007 de la Caisse primaire d’assurances maladie (CPAM) des Yvelines qui a fait prononcer à son encontre, par le COM, une interdiction temporaire du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de six mois (dont trois avec sursis). Cette mesure a pris effet du 1er juin au 31 août 2007. Aujourd´hui, Mme Gardénal a retrouvé sa liberté d´exercer, mais elle a fermé son cabinet.

Faire un exemple en s’attaquant à un symbole

Pourquoi cette offensive ? On ne voit pas d’autre raison que le fait d’avoir voulu faire un exemple en s’attaquant à un symbole.

En effet, ce médecin respecté, et suivi depuis 37 ans par une nombreuse patientèle, préside la Société des médecins spécialistes homéopathes. Les motifs soulevés pour la condamner entrent dans la panoplie des arguments mis en ce moment en avant pour dénigrer les médecines complémentaires : « charlatanisme », « manque d’autorité vis-à-vis d´une patiente » et « recommandation d’une cure non adaptée à la pathologie ».

En juin 2003, le Dr Elizabeth Launay, médecin-conseil de la CPAM de Poissy (78), convoque et interroge une quarantaine de patients suivis par Martine Gardénal (« Fait-elle des prières ? Impose-t-elle les mains ? Se sert-elle du pendule ? »).

« Fait-elle des prières ? Se sert-elle du pendule ? »

Trois cas sont finalement retenus par la section disciplinaire du conseil régional de l’Ordre des médecins, trois personnes atteintes de cancers à l’égard desquelles le Dr. Gardénal est accusée de charlatanisme :

1 – pour avoir procédé à « un suivi médical et des prescriptions non adaptées aux affections des malades et non conformes aux données acquises de la science » pour une première patiente ;

2 – pour avoir « manqué d´autorité » vis-à-vis d´une autre patiente qui ne voulait plus entendre parler des traitements allopathiques trop lourds et avait décidé de son propre chef de les arrêter, au moins temporairement ;

3 – pour avoir fait une demande de prise en charge d´une troisième patiente dans une clinique anthroposophique allemande spécialisée dans le traitement du cancer. L´expert français écrit : « Il ne m´est pas possible d´apprécier les soins proposés à la clinique Porta Wesfalica dans la mesure où les documents fournis sont en allemand ». Cela ne l’empêche pas de conclure : « La cure allemande n´est pas adaptée à la pathologie ».

Dans les trois cas, le Dr Gardénal, tout en informant et conseillant ses patientes sur les traitements allopathiques à suivre, avait traité leurs pathologies annexes et leur avait laissé une liberté de choix. Aucune n’a porté plainte tant auprès du COM que de la Sécurité sociale.

Toutes déterminées et libres dans leurs choix, elles l´ont formellement attesté, de même qu’elles ont témoigné en faveur du Dr Gardénal. Cela ne l´a pas empêchée d´être assignée devant le COM.

C’est le principe qui est visé, non les actes

C’est donc bien le principe du traitement par voies « différentes » qui est visé, et non les actes réels de la praticienne.

C’est ce qu’explique Martine Gardénal dans cette interview pour Ouvertures : « Pour ne pas avoir « jeté » hors de mon cabinet et ne pas avoir dénoncé ces femmes en détresse, et les avoir accompagnées dans leurs pathologies annexes, je me suis vue trainée dans la boue et accusée de charlatanisme ».

Acceptant de parler de son histoire malgré la condamnation, elle veut aider « nombre de consœurs et confrères qui sont dans le même cas, injustement  diffamés » et sans pouvoir se défendre.

Cela pose le problème d’une justice médicale à part, contre les avis de laquelle les possibilités de recours sont inexistantes, le Conseil de l’Ordre étant juge et partie. Et la justice civile se reposant les yeux fermés sur cette instance censée décréter infailliblement le bien médical et la vérité scientifique.

Redéfinir le libre choix thérapeutique

A l’issue de sa condamnation définitive, Martine Gardénal pousse un cri d’alarme :

« Il est temps de revenir aux principes fondamentaux :

– Cesser de harceler les médecins qui ont une pratique honnête, sans effets secondaires  et efficace dans bien des domaines. Sous prétexte que ces médecins ne sont pas dans le cadre exclusif de l´allopathie, ils sont accusés de charlatanisme et condamnés à ne plus pouvoir exercer.

– Cesser de se référer en permanence aux  « prescriptions non conformes aux données acquises de la science ». Quand on voit les nombreux scandales issus de la médecine, les donneurs de leçons feraient bien de reconsidérer la situation, être plus humbles, reconnaitre leurs erreurs et  s´excuser auprès de ceux qui ont subi injustement leurs foudres. Ils devraient même réparer le tort causé.

– Redéfinir le libre choix thérapeutique (qui n´est pas respecté par l´Ordre), en cessant d´exclure les thérapeutiques non  allopathiques.

– Que l´hôpital accueille dans tous ses services toutes les médecines dites alternatives, que personnellement je préfère appeler « médecines de vie » et que les assurances les prennent en charge au même titre que l´allopathie.

– Que cesse cette parodie de justice ordinale.

La santé et la formation du corps médical doivent être indépendantes des laboratoires et le corps médical ne doit pas être « aux ordres ».

>> Voilà quelques propositions qui mériteraient d´être entendues alors que l´année 2011 a été déclarée « Année des patients et de leurs droits » par le gouvernement. Un des axes de cette initiative est : « la dynamisation de la démocratie sanitaire »… Mais nous tenons les paris que les propositions du docteur Gardénal ne figureront pas dans cette jolie opération de communication. Démocratiser la santé, soit, mais quand même pas jusqu´à autoriser le citoyen à choisir son mode de traitement !

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