Un ancien employé brise le silence sur l’aide humanitaire à Gaza
Dans un document exclusif, Anthony Aguilar, un ancien employé de Yuji Solutions, sous-traitant de la très controversée Gaza Humanitarian Foundation (GHF), s’exprime publiquement pour la première fois. La GHF, une organisation américaine soutenue par Israël, est chargée de superviser la distribution de l’aide alimentaire dans l’enclave palestinienne. Anthony Aguilar, qui a travaillé six semaines pour Yuji Solutions, accuse son ancien employeur de complicité de crimes de guerre et d’être impliqué dans un projet voué à l’échec depuis le début. Profondément bouleversé par ce qu’il a vu à Gaza, il révèle des détails inédits sur les méthodes de la GHF pour acheminer l’aide humanitaire.
Des méthodes controversées et des accusations graves
Anthony Aguilar décrit des événements gravés dans sa mémoire. Il rapporte que des employés de Yuji Solutions utilisent des munitions non létales et létales de manière non autorisée, causant des blessures parmi les Palestiniens. Il se souvient notamment d’une femme civile touchée à la tête par un morceau de grenade assourdissante, jetée dans la foule à côté d’elle alors qu’elle attendait de ranger ses provisions. La femme est restée inconsciente et sans vie.
Il affirme également qu’au site numéro 4, des contractuels de Yuji Solutions ont tiré à balles réelles en direction de civils palestiniens. Un contractuel posté dans une tour avec une mitrailleuse entièrement automatique tirait par rafales, tandis qu’un autre, sur un talus, tirait également sur la foule avec son fusil automatique. Bien que ces tirs soient qualifiés de « tirs de sommation », les balles étaient dirigées vers les pieds, au-dessus de la tête, et directement dans la foule de Palestiniens qui partaient. Anthony décrit avoir vu des civils palestiniens avec leurs sacs blancs éparpillés sur le sol. Il mentionne également une scène où des contractuels de Yuji Solution ont tiré des coups de semonce, lancé des grenades assourdissantes et du gaz lacrymogène sur une foule, tandis que les forces de défense israéliennes postées au carrefour tiraient sur eux.
Démentis et contexte des accusations
Yuji Solutions affirme qu’aucun membre de son personnel n’a jamais tiré de coup de semonce en direction de civils, précisant que les tirs visaient l’air ou la côte. L’entreprise a également indiqué qu’un contractuel entendu dans une vidéo encourageant les tirs de l’armée israélienne a été renvoyé. L’armée israélienne, quant à elle, déclare ne pas avoir ouvert le feu et indique que des enquêtes approfondies sont menées suite à des incidents où des civils ont été blessés près des centres de distribution. La GHF et Yuji Solutions nient les accusations d’Anthony Aguilar, le qualifiant d’ancien contractuel frustré en quête de revanche, des accusations qu’Aguilar conteste.
Ces accusations font écho à celles de l’ONU, qui accuse cette société privée américaine de militariser les opérations d’aide humanitaire. L’ONU estime que des centaines de Palestiniens auraient été tués depuis deux mois dans le cadre de ces distributions.
L’aide humanitaire comme instrument d’une politique plus large
Le témoignage d’Anthony Aguilar s’inscrit dans un contexte plus large : l’armée israélienne a imposé un blocus sur les livraisons d’aide effectuées par les Nations Unies, l’UNRWA, le Programme alimentaire mondial et les ONG. Cette décision politique vise à contraindre les Palestiniens et à créer une situation de famine. Des quantités énormes de nourriture et de médicaments sont bloquées autour de Gaza, et la GHF est perçue comme un instrument au service de cette politique. Les centres de distribution de la GHF sont considérés comme insuffisants et stratégiquement situés, notamment au sud du corridor de Moratch, tandis que des villes comme Rafah ont été rasées.
Le gouvernement israélien est accusé par ses détracteurs d’utiliser la famine comme une arme de guerre, avec l’objectif clair de pousser les Palestiniens à quitter Gaza, voire de les déporter. Cette politique, dénoncée comme une volonté de vengeance, va jusqu’à organiser l’indignité des Palestiniens, obligés de se battre pour quelques grains de nourriture, ce qui est perçu comme un moyen de les forcer à l’exode.
Pression internationale et enjeux futurs
Le témoignage d’Aguilar intervient dans un contexte de pression internationale croissante sur Israël. Une quinzaine d’États, dont la France, l’Australie, le Canada et l’Irlande, ont publié un communiqué conjoint condamnant les attaques du 7 octobre, mais demandant également un cessez-le-feu immédiat à Gaza et soulignant l’importance d’unifier la bande de Gaza face à une situation humanitaire terrifiante.
Des « lignes bougent » également au niveau politique, comme en témoigne le nouveau positionnement du Royaume-Uni, avec Keir Starmer avertissant Israël qu’une reconnaissance de l’État de Palestine pourrait avoir lieu si rien ne change. Même aux États-Unis, des voix s’élèvent, comme celle de la républicaine Marjorie Taylor Greene, qui a utilisé le terme de « génocide » pour décrire la situation à Gaza, une position auparavant « hors de propos » et « choquante ».
Malgré ces avancées, la communauté internationale est appelée à agir de manière plus concrète. L’Union européenne est notamment critiquée pour sa « lâcheté » et son incapacité à imposer des sanctions fortes à Israël. Il y a une course contre la montre : le gouvernement israélien, enfermé dans son idéologie, continuera tant qu’il ne sera pas arrêté par des moyens politiques et des sanctions. Des mesures concrètes sont impératives pour que les lignes bougent réellement et pour éviter que le gouvernement israélien ne durcisse encore plus sa réponse.
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