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Le canal ben gourion : la voie navigable qui pourrait bouleverser le commerce mondial

Le commerce mondial dépend d’une seule artère vitale : le canal de Suez. Lorsque cette voie, par laquelle transite environ 10 % des marchandises expédiées dans le monde, ralentit, les répercussions s’étendent bien au-delà des frontières égyptiennes. L’incident de l’Ever Given en 2021 a montré à quel point le blocage d’un seul navire pouvait paralyser le trafic, ravivant l’intérêt pour une alternative colossale : le canal Ben Gourion.

Ce projet ambitieux, dont l’idée remonte officiellement aux années 1990 (et même au-delà, jusqu’aux années 1800), vise à creuser une nouvelle voie navigable de près de 300 kilomètres à travers le désert du Néguev en Israël. Estimé à 55 milliards de dollars, il relierait la mer Méditerranée au golfe d’Aqaba, puis à la mer Rouge, concurrençant directement le monopole de l’Égypte.

Une infrastructure conçue pour la modernité

Si le canal Ben Gourion voyait le jour, il ne serait pas une simple réplique de son rival. Les plans prévoient une infrastructure deux fois plus grande que Suez, conçue pour être plus profonde (environ 50 mètres) et plus large (environ 200 mètres) afin d’accueillir les navires les plus imposants du monde.

Alors que le canal de Suez traverse majoritairement du sable, le tracé israélien couperait à travers de la roche solide. Cela pourrait améliorer la durabilité de l’infrastructure et potentiellement réduire les coûts d’entretien. Surtout, contrairement à Suez qui fonctionne principalement à sens unique, le canal Ben Gourion permettrait une circulation à double sens, réduisant ainsi les risques de perturbations majeures et d’embouteillages.

Au-delà de la voie maritime elle-même, le projet entend transformer l’ensemble du corridor en un axe industriel et touristique, avec la construction prévue de nouvelles villes, d’hôtels et de centres commerciaux le long de ses berges.

Les enjeux géopolitiques d’un axe stratégique

Le canal de Suez est un moteur économique majeur pour l’Égypte, générant environ 9,4 milliards de dollars par an en frais de transit, ce qui lui confère une influence stratégique considérable. Un nouveau canal capable de lui faire concurrence bouleverserait l’ensemble du paysage économique et politique régional.

Pour Israël et ses partenaires, le contrôle de cet axe maritime majeur représenterait une immense opportunité commerciale et stratégique, offrant une route essentielle pour le pétrole, l’approvisionnement alimentaire et le transport mondial. Des puissances mondiales comme les États-Unis obtiendraient un itinéraire stratégique supplémentaire entre la Méditerranée et l’océan Indien.

Inversement, l’Égypte risquerait de perdre une partie significative de ses revenus nationaux et une portion de son poids géopolitique. Les experts estiment également qu’un tel projet pourrait remettre en cause l’équilibre des flux énergétiques mondiaux et la stabilité des routes maritimes soutenant l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie.

Le point de friction : la question de Gaza

L’élément le plus sensible et le plus controversé de ce projet concerne son itinéraire.

Le tracé le plus direct, le plus pratique et le plus rentable passe en plein cœur de Gaza. Beaucoup affirment qu’un passage par cette région permettrait d’économiser des milliards en frais de construction, alors qu’un détour rendrait le projet moins attractif économiquement.

Toutefois, la position de Gaza rend l’aspect politique d’une complexité extrême. Construire une infrastructure de cette ampleur à travers ou à proximité de Gaza nécessiterait un contrôle total du territoire, un point qui alimente depuis des années discussions et théories stratégiques.

Un instrument de pouvoir en devenir

L’histoire montre que les projets d’infrastructure d’une telle envergure ne restent jamais de simples affaires d’ingénierie ; ils deviennent rapidement des instruments de pouvoir. Si un tel ouvrage apporterait à Israël des investissements et une visibilité mondiale, il pourrait également faire monter les tensions et fragiliser un équilibre régional déjà précaire.

Le canal Ben Gourion représente une menace économique directe pour l’Égypte et une opportunité stratégique pour Israël, avec Gaza prise au milieu, à la fois géographiquement et politiquement. Ce projet est donc lié non seulement au commerce, mais aussi à la sécurité énergétique et à la lutte permanente pour le contrôle des grandes routes stratégiques de la planète.