La juriste Monique Chemilier Gendreux a récemment été invitée à réagir à la reconnaissance de l’État de Palestine par Emmanuel Macron. Dès les premières secondes, elle démonte point par point les contradictions du président français, exposant avec une clarté implacable le double discours pro-israélien des pays occidentaux.
Selon elle, Macron se place dans de grandes contradictions. Il a reconnu un État souverain, l’État de Palestine. Or, la souveraineté n’est pas négociable. Le droit international repose sur des règles impératives (jus cogens), comme le respect de la Charte des Nations Unies et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ces règles s’imposent à tous et ne se négocient pas.
Par conséquent, l’idée de conditionner cette reconnaissance à l’existence d’un État palestinien démilitarisé n’a absolument aucun sens en droit international. M. Macron peut l’affirmer, mais cela est contraire à la réalité du droit et absolument injustifiable.
Le mythe de l’état démocratique et la violation du droit
L’une des affirmations les plus stupéfiantes dans le discours occidental concerne Israël, constamment décrit comme une grande puissance démocratique dans la région. Pourtant, la juriste souligne qu’Israël est le pays numéro 1 violateur du droit international.
Israël n’a pas respecté l’interdiction du recours à la force, la Charte des Nations Unies (malgré la promesse solennelle de le faire lors de son adhésion), le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les droits de l’homme, le droit humanitaire en cas de conflit armé, ni les avis de la Cour internationale de justice.
Comment parler d’un État démocratique alors qu’il est en violation flagrante et officielle du droit international ? La Cour internationale de justice, dans son avis, a dit qu’Israël pratiquait l’apartheid. Les colons bénéficient d’un statut de citoyen israélien, tandis que les Palestiniens, qui sont les habitants légitimes, ont un statut infériorisé. Cette discrimination est aussi présente en Israël même, où la population des Arabes israéliens est discriminée. De plus, la loi fondamentale de 2018, qui a confirmé qu’Israël est l’État des Juifs, est contraire à la déclaration universelle des droits de l’homme, laquelle se base sur l’égalité de tous, indépendamment de la religion.
La question de la démilitarisation
L’idée de demander la démilitarisation de la Palestine est totalement stupéfiante de la part des pays occidentaux, car elle revient à répéter ce qu’Israël réclame, sans justification légale. La dangerosité d’Israël contre la Palestine est d’ailleurs incommensurablement plus importante que la dangerosité de la Palestine pour Israël.
Si la démilitarisation est la solution, il serait tout aussi important de se demander si Israël, un État jugé si dangereux par ses voisins, ne mériterait pas lui aussi d’être démilitarisé.
Toutefois, il est essentiel de souligner que les attaques menées par le Hamas le 7 octobre sont considérées comme des crimes internationaux. Le droit, pour être crédible, doit être appliqué de manière objective : les attaques contre les civils sont interdites de la part de tout le monde.
La voie de la négociation et l’impératif international
Puisqu’un État souverain a été reconnu, il faudra une négociation d’égal à égal. La priorité sera d’obliger Israël à rouvrir les négociations. Celles-ci devront se concentrer sur les modalités d’application des normes obligatoires.
Le tracé de la frontière doit partir de la ligne verte de 1949, même si cette ligne n’est plus viable en raison de l’implantation des colonies. Il sera nécessaire de négocier des échanges de territoires palestiniens truffés de colons contre d’autres morceaux de territoire, notamment pour élargir le passage entre la Cisjordanie et Gaza.
L’impératif absolu pour l’avenir sera la mise en place d’une force internationale de protection de la frontière. Une telle force aurait d’ailleurs dû être créée dès 1947, au lieu de mépriser les peuples arabes à cette époque. Il est clair que ces négociations devront avoir lieu avec des parrains et des garants impartiaux, ce qui disqualifie les États-Unis d’Amérique.
Quant à la solution de l’État binational, elle doit rester l’affaire des Palestiniens, qui ont le droit de disposer d’eux-mêmes. Actuellement, ils réclament un État souverain. Une transition vers un État binational serait extrêmement défavorable pour eux, compte tenu de leur position de faiblesse et de leur niveau de développement actuel.
Le silence de l’occident et la quête de l’universalité
La crise actuelle à Gaza manifeste le double visage de l’Occident. Nous sommes dans une phase très grave de déconsidération aux yeux du monde entier, après avoir construit nous-mêmes un piédestal d’où nous sommes en train de tomber.
L’hypocrisie n’a jamais cessé, même lors de la création du droit international. La Charte des Nations Unies, par exemple, fut d’une lâcheté totale en évitant de condamner clairement le colonialisme. Les peuples du Tiers-Monde, ou du Sud global, le savent. Ils ont progressé par leur lutte, et non par la sincérité de l’Occident.
Aujourd’hui, les pays occidentaux sont condamnés au silence parce qu’ils ont menti sur l’application de ces valeurs.
Une lueur au bout du tunnel existe cependant : les valeurs universelles que l’Occident a hypocritement affirmées sont des réalités profondes. L’être humain cherche partout à échapper à la souffrance. Le droit à la vie, à l’intégrité physique et à la liberté sont des notions universelles qui reviendront, portées par un forum représentant le monde entier. L’initiative prise par l’Afrique du Sud à la Cour internationale de justice en est d’ailleurs un exemple exemplaire.
Pour que ces valeurs triomphent au niveau mondial, les Nations Unies devront résoudre la problématique de la composition de leur Conseil de sécurité. Le concept de membres permanents, qui détiennent un statut supérieur à vie, s’apparente à une « aristocratie » et n’est plus tenable.
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