La Hasbara: pédagogie ou propagande? L’enjeu géopolitique d’une image
La communication de l’État d’Israël sur la scène internationale, connue sous le nom de Hasbara, constitue un sujet géopolitique de première importance. Le terme hébreu se traduit par « explication » et décrit une stratégie de communication et de diplomatie visant à promouvoir une image positive du pays et à justifier ses politiques dans le monde entier. La question centrale est de savoir si la Hasbara relève de la pédagogie géopolitique ou d’une méthode de propagande à ciel ouvert.
L’analyse de la Hasbara n’est pas nouvelle ni cachée, même si elle touche un sujet sensible. En effet, des médias publics français comme France Info ou des documentaires d’Arte y ont consacré des analyses, attestant qu’il ne s’agit pas d’un sujet complotiste. L’objectif premier est de maintenir une bonne image d’Israël à travers le monde, cherchant à influencer ou à faire changer d’opinion des pans entiers de la population.
Les racines historiques et la nécessité de communiquer
Cette stratégie de communication remonterait, selon certaines estimations, au premier Congrès sioniste tenu à Bâle en 1897, qui a officialisé la fondation de l’Organisation sioniste. L’un des penseurs du sionisme, Nahoum Sokolow, au début du XXe siècle, imaginait déjà la nécessité d’une Hasbara, anticipant qu’une implantation juive en Palestine pourrait souffrir d’une mauvaise perception et d’une image négative qu’il faudrait « expliquer ». Cet enjeu est devenu crucial après la création de l’État d’Israël en 1948.
Si tous les pays mènent une forme de diplomatie publique pour vanter leurs mérites, la situation d’Israël est particulière. Le pays fait face à davantage de critiques internationales, notamment en raison de l’occupation d’un peuple par un autre. La Hasbara répond à ce besoin en communiquant l’idée que les actions menées sur place sont légitimes, présentées comme une défense de la civilisation ou une lutte contre le terrorisme.
Même le Général de Gaulle avait noté, après la Guerre des Six Jours en 1967, que les influences israéliennes se faisaient sentir de manière notable dans les milieux proches de l’information.
Des méthodes institutionnalisées et concrètes
La Hasbara est définie par ses détracteurs comme de la propagande institutionnalisée, orchestrée par le gouvernement et l’armée israélienne via les ministères des Affaires étrangères et des Affaires stratégiques.
Concrètement, la stratégie s’appuie sur une « politique de l’offre », qui consiste à mettre à disposition de la presse nationale et internationale des experts militaires, des chercheurs, et des reportages « clés en main ». Tout cela est coordonné par une sorte d’agence de presse officielle qui fournit des éléments de langage cohérents pour maîtriser la communication du pays.
Les formes contemporaines de la Hasbara sont variées :
1. Le recrutement d’étudiants: Une stratégie révélée par la presse israélienne elle-même montre que des unités secrètes sont créées dans les universités pour mener des actions diplomatiques via les réseaux sociaux. Des étudiants obtiennent des bourses d’études complètes en échange de leur travail de propagande en ligne, défendant ainsi la politique israélienne. Ces offres de recrutement pour « défendre Israël sur les réseaux sociaux » sont parfois rendues officielles sur les sites universitaires.
2. Campagnes de séduction: En 2007, le gouvernement israélien a mené une campagne étonnante dans le magazine masculin populaire américain Maxim. Dans le cadre de la Hasbara, l’État a payé pour faire la une avec des soldates israéliennes en tenue légère, dans le but de mettre en avant les aspects positifs de l’armée. L’actrice Gal Gadot, ancienne Miss Israël, a notamment participé à cette campagne.
3. Contenu vidéo ciblé: Depuis octobre 2023, la Hasbara s’est manifestée par des vidéos de propagande imaginant par exemple comment Gaza aurait pu être une destination touristique si le Hamas n’avait pas été là. Ces clips montrent une image lissée et idéalisée, dénuée de toute référence à la culture palestinienne, réduite à une entité orientaliste vague.
L’enjeu de la Hasbara est de justifier les actions d’Israël et de convaincre l’opinion internationale d’apporter son soutien, tout en luttant contre les critiques souvent virulentes. C’est le succès de cette stratégie, d’après certains observateurs, qui instaure un « règne par la peur » dissuadant de nombreuses personnes de s’exprimer sur le sujet, craignant d’être taxées d’antisémitisme.
Poursuivre l’enquête
Si les exemples d’applications internationales de la Hasbara sont nombreux et documentés par la presse mainstream, le volet concernant ses applications concrètes en France (notamment dans les sphères politiques, de lobbying et médiatiques) est particulièrement délicat à aborder ouvertement. La sensibilité de ce sujet et les risques potentiels de censure ou de mise à l’ombre du contenu nécessitent souvent de poursuivre l’enquête sur des plateformes alternatives afin d’assurer que l’information parvienne à tous.
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