Gaza, otages et l’hypocrisie occidentale : sophie bessis pulvérise le récit officiel

L’historienne Sophie Bessis, invitée sur France Culture, a livré une analyse cinglante du comportement des dirigeants occidentaux, en particulier d’Emmanuel Macron, face au conflit israélo-palestinien. Elle y déconstruit ce qu’elle nomme « l’imposture » de la civilisation judéo-chrétienne et met en lumière une troublinge de poids, deux mesures dans la perception des victimes.

Le scandale du deux poids, deux mesures

La comparaison est frappante : alors que les dirigeants occidentaux, dont monsieur Macron, se sont indignés et ont qualifié d' »abject » les photos de deux otages israéliens présentés par le Hamas, le même vocabulaire n’a jamais été employé pour décrire le sort des dizaines de milliers de Gazaouis. Pour Sophie Bessis, la différence fondamentale réside dans l’humanisation : les otages ont un nom, un visage ; les Gazaouis, victimes des bombardements et de la famine, sont anonymes, réduits à de « la viande ». Ce silence assourdissant face aux milliers d’enfants palestiniens affamés et déchiquetés à Gaza, n’est, selon elle, pas un hasard.

Les racines profondes d’un soutien inconditionnel

Ce soutien quasi inconditionnel à Israël trouve ses racines, selon l’historienne, dans une tentative européenne et occidentale de se « laver » du judéocide nazi. Restaurer les valeurs consumées dans la fumée des crématoires aurait conduit non seulement à soutenir la création de l’État d’Israël, mais aussi sa politique, même dans ses aspects les plus contestables. Sophie Bessis dénonce cette logique : se laver d’un crime ne peut se faire en souscrivant à un autre. L’Allemagne est citée comme l’exemple le plus caricatural de cette approche, son soutien inconditionnel ne lavera pas son crime originel.

La résolution de l’onu de 1947 et la politique française

Il est souvent oublié que la résolution de l’ONU de 1947, fondatrice de l’État d’Israël, proposait la création de deux États : Israël et la Palestine. Or, seul Israël a vu le jour. Refuser de créer l’État de Palestine constitue donc une violation de cette résolution fondatrice. Quand Emmanuel Macron envisage de reconnaître l’État de Palestine, il ne rompt pas avec la politique française historique, mais s’inscrit au contraire dans une continuité. Cependant, ses propos restent d’une grande prudence, posant des conditions à l’État de Palestine (démilitarisation par exemple) qui ne sont jamais imposées à Israël. La politique française a connu des évolutions, d’un soutien inconditionnel à Israël après 1948 (la France aidant même Israël à obtenir l’arme nucléaire), à une « politique arabe de la France » sous de Gaulle (qui critiquait la conquête israélienne de 1967, illégale au regard du droit international), avant un retour au soutien inconditionnel à partir de monsieur Sarkozy.

Le « philosémitisme officiel » : une imposture ?

Sophie Bessis se méfie grandement du « philosémitisme officiel » des dirigeants occidentaux. Elle y voit l’emploi des mêmes paradigmes que l’antisémitisme d’antan : l’idée d’une « exceptionnalité juive », où l’on déteste ou l’on aime « trop » le juif. Ce philosémitisme suspect légitime, selon elle, la prétention d’Israël à représenter tous les juifs du monde, alors qu’une petite moitié seulement des juifs mondiaux sont citoyens israéliens. La présence de Benjamin Netaniahu aux commémorations de la rafle du Vél d’Hiv, un événement franco-français, est citée comme une faute, suggérant qu’il représente tous les juifs, y compris français. Les propos de certains dignitaires français, évoquant une « intimité entre l’âme juive et l’âme française », sont jugés absurdes et dangereux, car ils singularisent les juifs.

Des accords d’abraham à la mission de l’historien

L’usage du terme « accords d’Abraham » pour désigner la normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes (Maroc, Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan) est également critiqué. Sophie Bessis y voit un déplacement d’un conflit politique sur un plan religieux, une manière de « noyer le poisson ». Les historiens, affirme-t-elle, ont un rôle crucial en cette période critique : celui de donner des éléments d’explication, de relire l’histoire, non pas comme un roman national ou un récit idéologisé, mais en cherchant dans le passé ce qui pourrait constituer un chemin pour l’avenir. Face à des récits nationaux israélien et palestinien qui ne se réconcilieront jamais, le travail de l’historien n’est pas de réconcilier les mémoires, mais de construire des ponts à travers la compréhension du passé, pour tenter d’en finir avec cette tragédie. La conquête de la Palestine par Israël, avec l’annexion imminente de la Cisjordanie et celle préconisée de Gaza, marque une étape finale de cette entreprise coloniale.

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