Cisjordanie : « ils sont en train de nous tuer à petit feu », le cri d’alarme des villageois palestiniens

Dans le village d’Al-Mughayyir, à 25 kilomètres de Ramallah, la terre raconte une histoire de dépossession. Là où se dressaient autrefois des centaines d’oliviers, certains centenaires, il ne reste aujourd’hui qu’un terrain nu. Pour Abou Wid, membre du conseil du village, chaque regard porté sur ce paysage dévasté est un « pincement au cœur ». Ces arbres, plantés par des générations, représentaient l’héritage et le labeur du peuple palestinien. Aujourd’hui, les habitants n’ont même plus le droit de se rendre sur leurs propres terres.

Une stratégie d’isolement et de harcèlement

Le quotidien des habitants d’Al-Mughayyir est devenu un combat permanent. L’accès à la route principale, qui rendait le trajet vers Ramallah rapide, a été fermé par l’armée israélienne. Pour atteindre la ville, il faut désormais emprunter un long détour par plusieurs villages.

Cette stratégie d’isolement s’accompagne d’une pression constante exercée par les colons israéliens. Depuis les attaques du 7 octobre 2023, des avant-postes, souvent de simples préfabriqués, ont proliféré sur les collines environnantes. Ces installations sont le fait de « jeunes des collines », des colons radicaux dont l’objectif est de transformer ces avant-postes en colonies permanentes.

Les villageois décrivent un climat de violence récurrente : attaques, destruction d’oliviers, et vol de bétail. L’économie locale, autrefois florissante, est dévastée. « Nous avions 30 000 moutons, maintenant il ne nous en reste que 10 000 », explique Abou Wid. Sans pâturages accessibles, les éleveurs sont contraints de vendre leurs bêtes.

Des vies brisées par la violence

Le témoignage d’Emad Abou Alia illustre tragiquement cette réalité. Attaqué à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années, il a subi un traumatisme crânien, a été blessé par balle à la jambe et peine aujourd’hui à marcher. Sa maison a été incendiée alors que ses enfants se trouvaient à l’intérieur, et ses 120 moutons, son unique source de revenus, lui ont été volés par une cinquantaine de colons.

« J’aurais préféré qu’il me tue plutôt que d’être harcelé continuellement. Ils sont en train de nous tuer à petit feu », confie-t-il. Malgré tout, Emad passe ses journées sous un figuier près des ruines de sa maison, déterminé à rester pour « faire front » et protéger le peu qu’il lui reste.

La reconnaissance de la Palestine : un espoir lointain

Face à cette dure réalité, la récente reconnaissance de l’État de Palestine par plusieurs pays européens suscite des réactions mitigées. Si les Palestiniens expriment leur gratitude pour ce geste symbolique, le scepticisme domine. « Concrètement, qu’est-ce que ça va changer à notre quotidien ? » s’interrogent-ils, alors que la colonisation se poursuit, que la guerre à Gaza fait rage et que les destructions continuent.

Pour eux, seule une action concrète, comme des sanctions contre Israël, pourrait changer la donne. Ils aspirent à vivre en paix, un désir partagé par de nombreux Israéliens.

La crainte d’une radicalisation

Cette reconnaissance diplomatique fait craindre une réaction virulente du gouvernement de Benjamin Netanyahou, qui a réaffirmé à plusieurs reprises qu’aucun État palestinien ne verrait le jour. Les Palestiniens s’inquiètent notamment du projet de colonisation controversé « E1 », approuvé par le Premier ministre israélien.

Selon l’ONG israélienne La Paix Maintenant, ce projet vise à relier la grande colonie de Ma’ale Adumim à Jérusalem, ce qui couperait la Cisjordanie en deux et isolerait les Palestiniens de Jérusalem-Est. Pour les colons de la région, il s’agit d’une mesure de sécurité légitime. Pour les Palestiniens, c’est une menace existentielle qui rend la perspective d’un État viable encore plus lointaine.

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