Pression sur la justice mondiale et l’afrique : entre déportations et énergie nucléaire

Un monde en mutation : quand la justice internationale rencontre la realpolitik africaine

Dans un climat géopolitique tendu, les événements récents mettent en lumière les défis auxquels est confrontée la justice internationale, tout en soulignant le rôle croissant et parfois paradoxal des nations africaines sur la scène mondiale. Des mandats d’arrêt historiques aux accords énergétiques stratégiques, le paysage global est en constante redéfinition.

La Cour pénale internationale sous le feu des critiques

La Cour pénale internationale (CPI) a récemment émis des mandats d’arrêt à l’encontre du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et du ministre israélien de la défense Yoav Galant, les accusant de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur le territoire palestinien depuis le 8 octobre. Cette décision, appuyée par des figures comme Joseph Borrell, a été qualifiée de « procès Dreyfus moderne », suscitant une forte résistance, notamment de la part des États-Unis. Des menaces ont été proférées, certains allant jusqu’à évoquer des sanctions contre la CPI ou des interdictions de territoire pour les personnes visées.

Parallèlement, la CPI a également émis des mandats d’arrêt à l’encontre de dirigeants du Hamas, dont Mohamed Deif, une mesure perçue par certains comme une tentative d’équilibrer les condamnations. Cette situation n’est pas sans précédent : le procureur Karim Khan, qui a suggéré l’arrestation de Netanyahou, avait déjà poursuivi Vladimir Poutine pour le transfert illégal d’enfants ukrainiens vers la Russie. Cette décision avait contraint Poutine à adapter ses déplacements internationaux, comme lors du sommet des BRICS en Afrique du Sud où il avait envoyé son représentant pour préserver l’intégrité du pays hôte. Les réactions contrastées du public face à ces deux mandats mettent en évidence une perception de double standard, soulevant la question de l’impartialité de la loi.

Il est crucial de rappeler que c’est l’Afrique du Sud qui a porté plainte contre Israël à la CPI, dénonçant la Nakba et la dépossession systématique du peuple palestinien depuis 1948, ainsi que la privation de leur droit à l’autodétermination et au retour des réfugiés. Seul le président namibien a ouvertement soutenu cette démarche panafricaine, portée par la conviction sud-africaine, héritage de Nelson Mandela, que tant que la Palestine ne sera pas libre, l’Afrique du Sud ne pourra se considérer totalement affranchie. Les actions de la CPI sont motivées par des accusations d’actes délibérés ayant entraîné la mort d’enfants et de personnes âgées, et le blocage intentionnel de l’accès à la nourriture.

L’Afrique face aux politiques de déportation et aux défis sociaux

Au-delà des questions de justice internationale, le continent africain est également confronté à des dynamiques migratoires et sociales complexes. L’Eswatini (anciennement Swaziland), petit royaume enclavé en Afrique du Sud, offre un exemple de la diversité culturelle du continent. Le roi Mswati III, polygame avec 16 épouses et 32 enfants, incarne une tradition souvent incomprise en Occident. Loin des stéréotypes, certaines de ses épouses, comme Inkosikati Lambekwa, sont titulaires de diplômes universitaires, réfutant l’idée que l’acceptation de la polygamie serait uniquement le fruit de la misère ou du manque d’éducation. Le mariage du roi avec Nabo Zuma, fille de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma, illustre également les enjeux stratégiques et de pouvoir qui peuvent sous-tendre de telles unions. Sur le plan sanitaire, malgré un taux de VIH élevé, le pays démontre une gestion moderne de la maladie, permettant aux couples sérodiscordants d’avoir des enfants séronégatifs et de vivre des vies normales. La culture locale autorise par ailleurs le roi à choisir une nouvelle épouse vierge chaque année, les familles voyant cette possibilité comme un honneur.

Plus récemment, l’Eswatini a été au cœur d’une controverse liée aux politiques migratoires américaines. L’administration de Donald Trump a déporté cinq criminels condamnés (originaires du Vietnam, de la Jamaïque, de Cuba, du Yémen et du Laos) vers l’Eswatini, des individus si « particulièrement barbares » que leurs propres pays d’origine ont refusé de les reprendre. Cette décision a été rendue possible par la levée des restrictions de la Cour suprême américaine, permettant l’envoi de déportés vers des pays avec lesquels ils n’ont aucun lien. Des pressions similaires ont été exercées sur le Soudan, qui, après avoir initialement refusé d’accueillir un déporté congolais, a vu ses visas annulés par les États-Unis avant de finalement céder.

L’Eswatini a accepté ces déportés non par contrainte directe, mais pour gagner les faveurs des États-Unis et bénéficier d’échanges financiers. Cependant, cette politique pose un risque majeur : l’importation de criminels de haut niveau dans un pays dont les prisons sont déjà surchargées, créant ainsi de nouveaux problèmes de sécurité interne.

Dans ce contexte, d’autres nations africaines ont des approches variées. Le Rwanda est en discussions préliminaires avec les États-Unis pour potentiellement accepter des déportés de pays tiers. Le Rwanda a déjà une expérience similaire avec le Royaume-Uni, ayant accepté des immigrants et des individus condamnés en échange de millions de livres sterling, une démarche que le Royaume-Uni a justifiée par les coûts exorbitants de l’hébergement des demandeurs d’asile. Si cette décision a été critiquée comme « antiafricaine », elle est défendue par le Rwanda comme une opportunité économique pour financer ses infrastructures. Inversement, le Nigéria a rejeté les pressions américaines, invoquant des préoccupations liées à sa propre capacité d’accueil et à sa sécurité intérieure, déjà mise à l’épreuve par la surpopulation carcérale et la violence extrémiste.

Le Burkina Faso et la stratégie énergétique avec la Russie

Un développement majeur et porteur d’espoir pour le développement du continent est l’accord nucléaire historique signé entre le Burkina Faso, sous la direction d’Ibrahim Traoré, et la Russie. Cet accord intergouvernemental vise à répondre au besoin crucial d’énergie au Burkina Faso, dont le taux d’accès à l’électricité est inférieur à 20%. La position stratégique du pays en Afrique de l’Ouest lui permettrait, une fois la centrale opérationnelle, de vendre de l’énergie à toute la sous-région. L’accord, géré par l’entreprise russe Rosatom, inclut également des échanges sur les hydrocarbures et l’importation de produits pétroliers et de bitume pour les infrastructures routières.

Ce partenariat est d’autant plus significatif que la Russie financera 80% des investissements (estimés à environ 6 milliards de dollars), fournira les matériaux, les ingénieurs et même le carburant nucléaire (l’uranium), le Burkina Faso n’étant pas officiellement producteur. En retour, la Russie recevra 85% des revenus du projet pendant 20 à 25 ans, le Burkina Faso conservant 15%. Bien que la part du Burkina Faso puisse paraître modeste, elle est considérée comme substantielle étant donné l’ampleur de l’investissement et le transfert de technologie. À l’image des routes construites par la Chine en Ouganda, où les péages revenaient aux entreprises chinoises pendant des décennies avant de passer sous contrôle ougandais, cet accord permet au Burkina Faso d’obtenir de l’électricité bon marché à long terme et, surtout, de bénéficier d’un transfert de compétences et de technologies. Des ingénieurs burkinabè seront formés en Russie et sur place, réduisant la dépendance future envers la Russie. Cet accord est perçu comme une opportunité unique et décisive pour l’avenir énergétique et technologique du pays.

Ces dynamiques internationales, entre justice sous pression, politiques migratoires complexes et partenariats stratégiques, dépeignent un monde où chaque nation cherche à naviguer ses intérêts, démontrant la complexité et la fluidité des relations internationales.

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