Gaza : l’anéantissement par la famine, un chapitre final du génocide
La situation à Gaza a atteint un point critique, décrit par l’expert Chris Hedges comme le « dernier chapitre du génocide » en cours. Après le 2 mars, Israël a coupé toute l’aide alimentaire et humanitaire, une mesure qui ne peut être justifiée militairement. Il s’agit d’une instrumentalisation de la famine qui a des conséquences dramatiques : des personnes meurent de faim, et même les médecins et journalistes sont trop affaiblis pour travailler. Cette tactique, couper la nourriture, rappelle d’autres génocides historiques, comme la famine du Bengale en 1943, le sort des Arméniens, des Herero et Namaqua en Namibie, ou encore Srebrenica.
La destruction intentionnelle du tissu social
L’expert souligne que l’utilisation de maigres colis alimentaires comme appât pour attirer les Palestiniens affamés vers des camps de concentration encerclés n’est qu’une facette d’un plan plus vaste. Le but est de les maintenir sous contrôle militaire, potentiellement jusqu’à leur expulsion. La destruction du tissu social à Gaza a toujours fait partie de ce plan, ciblant la police, détruisant les universités, anéantissant la classe intellectuelle, et prenant pour cible les journalistes et les médecins. Tout cela vise à créer un « enfer sur terre », des mesures qui, à ce stade, ne peuvent plus être justifiées militairement.
Complicité internationale et manque d’intervention
Malgré la gravité de la situation, il semble qu’Israël agisse en toute connaissance de cause, conscient qu’il n’y aura pas d’intervention significative. Les États-Unis continuent de fournir environ 80 % de toutes les munitions, et la plupart des dictatures arabes, à l’exception du Yémen, collaborent même, notamment en mettant en place un pont terrestre via la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour livrer des marchandises à Israël.
Une réponse morale coercitive impliquerait l’envoi de navires de guerre, notamment de la marine turque, pour briser le blocus et imposer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de Gaza, à l’instar de ce qui s’est passé dans le nord de l’Irak face aux attaques contre les Kurdes. Cependant, une telle intervention est jugée peu probable, la Turquie ne semblant pas prête à affronter Israël.
Documenter l’indicible : un impératif moral
Face à cette situation, Chris Hedges, qui a vécu de nombreux mois à Gaza sur une période de sept ans, réalise un nouveau livre intitulé « Un génocide annoncé ». Collaborant avec le dessinateur Joe Sacco, connu pour « Note sur Gaza et Palestine », ce projet est basé sur des témoignages de Palestiniens de Gaza exilés en Égypte. L’approche est résolument « de la base », sans interroger de responsables, afin de reconstituer ce qui s’est passé sur le terrain.
Le livre vise à préserver des histoires qui, autrement, seraient perdues. Tout projet génocidaire cherche l’effacement : celui d’un peuple, mais aussi de sa culture, de son histoire et de son récit. Bien que la publication s’annonce controversée, les auteurs considèrent qu’il s’agit d’un impératif moral de conserver, d’archiver et de publier ces témoignages.
Perceptions palestiniennes des factions politiques
Les entretiens menés pour le livre ont également permis de recueillir des perspectives variées sur les acteurs politiques de Gaza. Les avis sur le Hamas sont mitigés, certains le soutenant, d’autres le détestant. En revanche, l’Autorité palestinienne est largement discréditée, souvent perçue comme une « force de police coloniale » et totalement corrompue, avec des factions armées qui collaborent même avec Israël contre la résistance.
L’expert reconnaît le Hamas comme un mouvement de libération nationale, bien que son ancrage dans une vision islamique fondamentaliste (proche des Frères musulmans) puisse créer un malaise au sein d’une population majoritairement laïque. Il note aussi une certaine colère à l’égard du Hamas, notamment concernant le fait qu’il pouvait se réfugier dans des tunnels pendant que la population était massacrée en surface. Le livre se veut un reportage journalistique fidèle, reflétant la diversité des sentiments et des expériences.
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