Gaza : silence médiatique, journalistes en danger et crise humanitaire extrême

La situation dans la bande de Gaza est plus que jamais critique, alors que l’armée israélienne a étendu son offensive terrestre dans de nouvelles zones. Au cœur de cette crise, les journalistes, souvent les seuls témoins sur place, sont confrontés à des conditions de survie désastreuses, tandis que la population civile fait face à une famine croissante et à des destructions massives.

Le cri d’alarme des journalistes à Gaza

L’Agence France-Presse (AFP) a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant ses dix collaborateurs palestiniens restés à Gaza. Depuis près de deux ans, les journalistes étrangers sont interdits d’accès à la bande de Gaza, faisant de ces reporters locaux les derniers à documenter le conflit. Malgré un salaire versé par l’AFP, ils luttent quotidiennement pour se nourrir et se soigner, les denrées étant devenues rares et hors de prix. Beaucoup souffrent de malnutrition sévère et ont perdu des proches dans les bombardements. Bachar, un fixeur et photographe, vit dans les ruines de sa maison et se dit trop épuisé pour travailler. Le président de la société des journalistes de l’AFP, Emmanuel Dupuy, souligne l’aspect inédit de voir des collègues risquer de mourir de faim.

Face à cette situation, l’AFP, qui avait déjà réussi à évacuer huit de ses employés plus tôt dans l’année, demande désormais l’évacuation de ses pigistes et de leurs familles. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s’est montré optimiste quant à leur sortie prochaine et a réclamé un accès libre et indépendant de la presse à Gaza pour rendre compte des événements.

Un black-out médiatique et des attaques systématiques

Depuis octobre 2023, Israël interdit l’accès à Gaza à tous les journalistes étrangers, n’autorisant que quelques rares reportages sous étroite surveillance militaire. Reporters sans frontières (RSF) qualifie cette situation de « black-out médiatique ». L’ONG a recensé plus de 200 journalistes tués dans l’enclave palestinienne, dont au moins 43 dans l’exercice de leurs fonctions. RSF a même déposé plusieurs plaintes auprès de la Cour pénale internationale, évoquant des crimes de guerre contre les journalistes.

Une enquête menée par Forbidden Stories et Le Monde, s’appuyant sur plus de 100 cas, a documenté des attaques systématiques de l’armée israélienne contre des journalistes, souvent clairement identifiés par leur gilet de presse. Des images montrent notamment des caméras de l’AFP et de Reuters être délibérément visées par des obus israéliens, malgré l’absence de menaces militaires. Les autorités israéliennes ont parfois évoqué des « dommages collatéraux » ou accusé certains journalistes de liens avec le Hamas. La plupart des bureaux de presse ont été détruits, contraignant les reporters à travailler dans la rue ou partout où une connexion internet est disponible.

Une catastrophe humanitaire sans précédent

Au-delà de la situation des journalistes, la bande de Gaza est soumise à des bombardements quasi quotidiens et à un blocus strict depuis l’attaque du Hamas en octobre 2023. Plus de 58 000 personnes, majoritairement des civils, ont été tuées selon le ministère de la Santé du Hamas, une source reprise par de nombreuses ONG.

La population de Gaza fait face à une crise humanitaire dramatique, avec un risque de famine croissant. L’UNICEF indique que l’ensemble de la population est en situation d’insécurité alimentaire aiguë, et Médecins sans frontières (MSF) a enregistré un nombre record de cas de malnutrition. Un enfant sur dix examiné dans les cliniques de l’UNRWA (l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens) souffre de malnutrition.

Bien que le blocus de onze semaines ait pris fin à la mi-mai, permettant une reprise de la distribution d’aide, celle-ci est largement contestée. Elle passe majoritairement par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), soutenue par les États-Unis et Israël. Plusieurs organisations, dont l’ONU, ont refusé de collaborer avec la GHF, la jugeant inadaptée, dangereuse et contraire aux principes d’impartialité. Près de 800 personnes ont été tuées par l’armée israélienne en tentant d’obtenir de l’aide depuis le 27 mai. Par ailleurs, l’UNRWA dispose de stocks suffisants pour nourrir les deux millions d’habitants pendant plus de trois mois, mais n’est pas autorisée à les acheminer.

Une offensive étendue et des condamnations internationales

L’armée israélienne a lancé une nouvelle offensive terrestre dans le centre de la bande de Gaza, ciblant Deir al-Balah, une zone jusqu’alors relativement épargnée. Cette ville, qui accueille de nombreux Palestiniens déplacés, est désormais soumise à des ordres d’évacuation. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), près de 88 % du territoire de Gaza est désormais sous ordre d’évacuation ou inclus dans une zone militarisée. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a également dénoncé des attaques contre plusieurs de ses locaux. L’armée israélienne pense que des otages y sont détenus ; sur les 251 personnes enlevées le 7 octobre 2023, 49 sont toujours otages à Gaza, dont 27 ont été déclarées mortes.

Face à cette escalade, le ministre Jean-Noël Barrot a condamné avec la plus grande fermeté l’extension de l’offensive, exigeant un cessez-le-feu immédiat, la libération de tous les otages du Hamas, et un accès sans entrave de l’aide humanitaire. Vingt-cinq pays, dont la France, ont dénoncé les « meurtres inhumains » de civils, y compris d’enfants, par l’armée israélienne et ont appelé à un cessez-le-feu immédiat.

De nombreuses ONG internationales, comme Human Rights Watch, Amnesty International et Médecins sans frontières, accusent Israël de mener une campagne de « punition collective » à Gaza, pouvant s’apparenter à un génocide compte tenu de l’ampleur des destructions et du nombre de victimes. Plusieurs pays, dont l’Espagne et l’Afrique du Sud, ont publiquement soutenu ces accusations ou saisi la Cour internationale de justice. Israël rejette catégoriquement ces allégations, les considérant comme infondées et politiquement motivées, affirmant agir dans le cadre du droit international pour neutraliser le Hamas et sécuriser ses citoyens. La situation reste sous haute surveillance, avec des conséquences dévastatrices pour la population de Gaza.

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