Le débat entre sionistes et antisionistes semble aujourd’hui pratiquement impossible, un constat qui tranche avec une époque révolue, celle des années Sartre ou Blanchot, où il était envisageable de soutenir la lutte d’émancipation nationale du peuple palestinien tout en restant intraitable sur la question de l’antisémitisme. Cette évolution n’est pas le fruit d’un manque de savoir ou d’ignorance ; au contraire, certains des antisionistes les plus engagés possèdent des connaissances historiques incontestables, ce qui souligne que l’antisémitisme est distinct de l’ignorance.

L’analyse de l’antisionisme contemporain révèle qu’il constitue la forme actuelle d’un antisémitisme immémorial. Un éclairage particulier vient de la théologie de la substitution dans l’histoire du christianisme. Cette doctrine a historiquement accusé les Juifs de déicide. Aujourd’hui, on observe une permutation ou une inversion des rôles où l’accusation contemporaine de génocide à l’encontre des Israéliens prolonge cette ancienne accusation. L’idée véhiculée est que les Israéliens d’aujourd’hui « font ce qu’on leur a fait », qu’ils « massacrent comme on les a massacrés ». Dans cette perspective, les Israéliens sont dépeints comme les « nouveaux nazis » persécutant les Palestiniens, ces derniers étant alors présentés comme les « nouveaux Juifs », chassés, expulsés et persécutés. Ce phénomène suggère que, d’une certaine manière, la gauche radicale aurait « changé de Juif ».

Il est essentiel de reconnaître et de prendre en charge la souffrance palestinienne d’un point de vue éthique. Cependant, la difficulté surgit lorsque cette prise en charge purement éthique est translatée sur un terrain historique et politique. C’est à ce moment que se manifeste la responsabilité massive et énorme des directions successives du mouvement national palestinien dans le malheur qui a frappé le peuple palestinien. La compréhension de ces dynamiques complexes est cruciale pour aborder le conflit israélo-palestinien avec lucidité et éviter de tomber dans les pièges des anciennes formes d’antisémitisme qui se masquent sous de nouvelles bannières.